Bruno Latour - Contre la culture générale

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  • เผยแพร่เมื่อ 21 ส.ค. 2024
  • "La culture générale en questions"
    07 mars 2014
    La « culture générale » est une notion aux contours instables, douteuse, voire louche. En état de crise permanente, cet objet spécifiquement français se trouve plus souvent au cœur des polémiques qu'au centre des réflexions. Les oppositions quasi rituelles entre ses partisans et ses détracteurs ne laissent aucune place aux questions que nous poserons dans cette journée d'étude : de quoi la « culture générale » est-elle le nom ? Quelle est son histoire ? A-t-elle un contenu ?
    Le soupçon provient en partie du caractère oxymorique de l'expression : une culture n'est-elle pas toujours particulière ? La culture générale serait alors celle des dominants, une culture de classe, un rapport privilégié au savoir que l'on imposerait à tous sous les atours de la « généralité ». Cette raison fut invoquée pour justifier la suppression, en 2013, de l'emblématique dissertation de culture générale au concours d'entrée de Sciences Po Paris. Lors de la polémique fortement médiatisée qui a suivi, les débats ont oscillé entre prescription (comment réformer la culture générale ?) et dénonciation (pourquoi la supprimer ?), sans que personne ne s'accorde sur le sens donné à l'expression.
    Pour surmonter la frayeur que suscite immédiatement une tentative de réflexion sur une notion aussi ouverte, quelques précisions s'imposent. Dans son acception courante, la culture générale désigne les connaissances personnelles d'un individu sur les sujets les plus divers ; des jeux télévisés à succès ou des jeux de société prétendent la mesurer. En outre, la culture générale désigne une matière enseignée dans certains établissements et une épreuve de concours, qui figure au programme de nombreuses grandes écoles et des concours de la fonction publique. Le fait que les acceptions puissent se recouper (la culture générale individuelle sera valorisée dans les épreuves de culture générale) ne signifie pas qu'elles désignent le même objet. De même, on ne confondra pas la culture générale avec la « culture » en général ni avec la « culture commune » ou l'idée d'un « socle commun ». On gardera à l'esprit que l'expression prend ses lettres de noblesse dans les programmes scolaires de Jules Ferry, où elle est pensée comme le ciment de la République ; ce projet est entériné par la « réforme des Humanités » de 1902. Mais au cours du XXe siècle, elle occupe une place de plus en plus incertaine, tiraillée entre la visée égalitaire et les politiques éducatives élitistes, entre le best-seller La Culture générale pour les nuls et le grand oral de l'ENA.
    L'idée d'un programme de culture générale a-t-elle un sens ? Y a-t-il véritablement des choses que « l'on ne peut pas ne pas savoir » ? A quoi pourrait correspondre le souhait d'enseigner et d'évaluer des élèves sur une matière dont les contours sont flous et les contraintes méthodologiques purement formelles? Il s'agira de comprendre, d'analyser et d'interroger ce curieux projet pédagogique qui consiste à transmettre et à enseigner une « culture générale ».

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