Chers camarades, Ceux qui me connaissent le savent : j’ai une conscience aiguë de la crise écologique en cours, je constate avec gravité l’effondrement massif du vivant, nos incapacités structurelles à faire face au péril climatique, ainsi que les vives tensions traversant nos sociétés. Ceux qui me connaissent le savent aussi : je ne capitule pas face à notre avenir que l’on peut juger effrayant, mais je m’engage ardemment pour tenter de le préserver. Vous l’aurez compris, je vais vous parler ce soir des choix que j’ai posé pour agir face à ces bouleversement planétaires. Ce témoignage fait suite à plusieurs prises de parole qui ont eu lieu sur ce thème pendant la soirée. Cela peut vous sembler une redite. Je vais parler de moi, beaucoup d’autres camarades auraient pu exposer leurs choix. Mais on ne pouvait tout de même pas finir sur ce thème par ces belles paroles de Monsieur Pouyanné. J’en profite d’ailleurs pour le remercier de nous avoir permis de lutter et d’avoir fini par abdiquer. Ces mobilisations collectives ne datent pas d’hier. Quelques mois après notre arrivée sur le campus, dès 2018, nous étions plus de 200 de notre promotion à signer le Manifeste étudiant pour un réveil écologique. Dans ce texte, nous affirmions notre refus de participer aux destructions sociales et environnementales en cours et notre détermination à changer un système économique en lequel nous ne croyons plus. J’ai pour ma part fait le choix de rejoindre le collectif à l’origine de ce manifeste. J’ai décidé de profiter mes années d’études pour faire de cette lutte une priorité. Avec d’autres camarades, nous avons eu l’occasion de porter ce message auprès de nombreux décideurs économiques, dirigeants d’entreprises ou cadre supérieur. Un certain nombre était d’ailleurs issu des rangs de notre école. J’ai longtemps été habité par de la colère ou du dépit après ces échanges, constatant l’insouciance de ces personnes et le décalage important entre leurs promesses et leurs actes. J’éprouve aujourd’hui davantage de la compassion pour cette génération aux manettes. J’ai rencontré des personnes stressées, déconnectées de la réalité, et des personnes qui sont en train de réaliser, plus ou moins consciemment, qu’elles se sont trompés. Que le modèle de réussite qui était le leur, leur belle carrière, leur salaire vertigineux, leurs nombreux biens matériels et leurs vacances à l’autre bout du globe, sont aujourd’hui mis en accusation par la crise écologique. Alors qu’ils cochent tous les codes de réussite de la société croissanciste, productiviste et consumériste dans laquelle ils ont évolué, ils n’ont d’autre choix que de faire face aujourd’hui à la fin de ce monde. Arrivant à la fin de mes études, j’aurais très bien pu rejoindre ce monde capitaliste que j’avais eu l’occasion de côtoyer. J’aurais pu sans difficulté accepter un poste qui me donnerait accès à tous les privilèges du polytechnicien : l’argent, le pouvoir, le prestige… J’aurais pu croire à ces promesses de RSE et de croissance verte. J’aurais pu croire que j’allais changer les choses de l’intérieur… avant que ce ne soit le système qui change mon intérieur. Je souhaite bon courage à ceux qui tentent cette voie, mais personnellement, je ne souhaitais pas, je ne souhaite pas faire ce choix et être un pion utile du système. J’ai donc décidé de vivre une année où je pourrais mettre en acte mes convictions écologiques, de manière concrète. J’ai choisi de ralentir, prendre du recul sur ce monde et sur mon futur, méditer, contempler, réfléchir. Je suis parti m’installer dans une abbaye pour suivre une année de formation théologique. Et je suis très heureux d’avoir pris ce temps d’arrêt. Je sors de cette année plus convaincu que jamais qu’il va nous falloir innover. Non pas à la manière des greentech ou d’autres technologies que le capitalisme et ses startups qualifient de vertes, mais innover dans notre manière de vivre. Nous allons devoir quitter nos fantasmes sur la technique comme unique et magique source de notre salut face aux périls écologiques. Pour au contraire oser construire un nouveau mode de vie autour de nous. Sortir de cet individualisme, de ce consumérisme, de cette course au toujours plus, pour oser le partage, la sobriété, la lenteur. Je suis sorti de cette année convaincu que si nous voulons changer les choses, nous ne pouvons pas nous permettre de rester entre nous, diplômés de grandes écoles, avec notre vision de technocrates que nous voulons imposer à la population. Nous vivons dans une bulle. 20% des adultes en France ont un diplôme supérieur à un BAC+2. Quelle est la part des diplômés dans notre entourage ? 95% ? 99% ? Je ne souhaite plus faire partie de cet entre-soi. Je crois enfin que nous allons devoir sortir de la voie du rationalisme exacerbé dans laquelle nous excellons. Nous ne pourrons pas appréhender correctement les transformations à venir si nous restons au stade des idées, si nous voyons le monde à travers des chiffres et des rapports. Nous devons incarner ces changements et écouter notre cœur. Nous devons suivre ce qu’on a dans les tripes, explorer des chemins spirituels et accueillir nos émotions. Exprimer nos peurs, nos doutes, nos désespoirs. Lutter dans la joie et dans l’espérance. Pour toutes ces raisons, j’ai décidé que je quitterai ces mégapoles mondialisées où l’individualisme et l’indifférence côtoient pauvreté et polution, pour m’installer dans un territoire à taille humaine. J’ai le projet de vivre dans un collectif engagé auprès des délaissés du système, des personnes exilées, des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées. Nous tenterons d’expérimenter le partage et la sobriété, l’accueil et la relation. En parallèle de notre vie ensemble, on pourrait garder notre engagement dans la société. Nous nous investirons dans des associations, les services publics et l’économie locale. Certains feront de la recherche, d’autres de la politique ou encore de l’agriculture. Cela demandera quelques sacrifices mais je suis persuadé que cette vie nous rendra plus heureux, et qu’elle nous permettra de nous engager en cohérence, en bâtissant la société de demain. Quand on ose poser un regard lucide sur le péril climatique et la fracture sociale en cours, on ne peut que prendre des risques. Le pire serait de continuer comme si de rien n’était.
Il est déjà trop tard. Les pays pauvres eux aussi voudront vivre leur période faste des "trente glorieuses" et personne ne peut les en blamer. J'ai la vingtaine, je suis en médecine, j'ai choisi cette filière car dans l'effondrement à venir, il va y avoir beaucoup de frères humains à soigner, soulager les douleurs et parfois réussir à les guérir pour un certain temps. Parfois, je me désespère de ce monde devenu complètement fou, dans lequel nous assistons à des guerres barbares et sanguinaires dignes du Moyen-âge...et puis je me ressaisis et me dis qu'avec mes connaissances je ferai de mon mieux pour limiter la casse dans l'hôpital où je travaillerai. Je ferai de mon mieux concrètement au jour le jour jusqu'au jour où tout s'arrêtera pour de bon car notre Terre ne sera plus respirable, vivable. Je n'ai pas de rancoeur contre les baby boomers, ni pour les jeunes qui espèrent changer le monde mais j'accepte avec fatalité la destinée de la fin de l'humain sur notre planète.
J'admire chapeau bas. A ceux qui critique la naïveté, vous avez vos raisons bien sûr mais il ne faut pas oublier qu'au delà des lois économiques et d'une forme de bon sens indéniable, il y a aussi et avant tout les lois physiques, dont l'une me semblent impossible à affranchir quand bien même cela ne nous fait pas plaisir : une croissance infinie dans un monde fini n'est pas possible. Et ce n'est pas parce que c'est difficile à accepter que ce n'est pas vrai. Merci.
C'est cool ça tombe bien, je veux dire c'est presque inespéré que la plupart des diplômés des pays occidentaux n'ont plus d'ambitions, je veux dire à l'heure où l'on a plus, ni d'industrie ni de matière première, croire que les pays qui émergent (BRICS), qui après les humiliations subies par les pays occidentaux ne vont pas eux, faire feu de tout bord pour reprendre la main sur l'échiquier mondial, c'est mal connaître la nature humaine. Cela n'enlève rien à la beauté des engagements de nos jeunes mais soyons lucide, des périodes chaotiques sont avenir chez nous et cela n'aura rien de candide !!!
Il faudrait commencer par quoi? Les gens ont tellement de dettes, l’arrêt de la croissance va les mettre à la porte de leurs maisons. Certains vivent déjà dans leurs voitures.
Solidarité, non-discrimination, partage, don. Oui, je sais, ça peut faire rire, mais n'oublions pas qu'il y a des sociétés qui pratiquent tout ça, et ces pratiques qui sont NATURELLES pour l'être humain nous semblent absurdes seulement parce que on prend, depuis quelque siècle, comme modèle de référence une société malade, pourrie...
Dans notre système capitaliste, les profits financiers sont liés aux flux de marchandises. Plus on crame d'énergie et de matériaux dans la fabrication et la distribution de tout et n'importe quoi, plus on gagne!! On voudrait gaspiller énergie, matériaux, et réchauffer le climat que l'on ne s'y prendrait pas autrement. Voir cet excellent petit bouquin : « Et si notre système économique était une gigantesque Arnaque? »
Chers camarades,
Ceux qui me connaissent le savent : j’ai une conscience aiguë de la crise écologique en cours, je constate avec gravité l’effondrement massif du vivant, nos incapacités structurelles à faire face au péril climatique, ainsi que les vives tensions traversant nos sociétés. Ceux qui me connaissent le savent aussi : je ne capitule pas face à notre avenir que l’on peut juger effrayant, mais je m’engage ardemment pour tenter de le préserver.
Vous l’aurez compris, je vais vous parler ce soir des choix que j’ai posé pour agir face à ces bouleversement planétaires. Ce témoignage fait suite à plusieurs prises de parole qui ont eu lieu sur ce thème pendant la soirée. Cela peut vous sembler une redite. Je vais parler de moi, beaucoup d’autres camarades auraient pu exposer leurs choix. Mais on ne pouvait tout de même pas finir sur ce thème par ces belles paroles de Monsieur Pouyanné. J’en profite d’ailleurs pour le remercier de nous avoir permis de lutter et d’avoir fini par abdiquer.
Ces mobilisations collectives ne datent pas d’hier. Quelques mois après notre arrivée sur le campus, dès 2018, nous étions plus de 200 de notre promotion à signer le Manifeste étudiant pour un réveil écologique. Dans ce texte, nous affirmions notre refus de participer aux destructions sociales et environnementales en cours et notre détermination à changer un système économique en lequel nous ne croyons plus.
J’ai pour ma part fait le choix de rejoindre le collectif à l’origine de ce manifeste. J’ai décidé de profiter mes années d’études pour faire de cette lutte une priorité. Avec d’autres camarades, nous avons eu l’occasion de porter ce message auprès de nombreux décideurs économiques, dirigeants d’entreprises ou cadre supérieur. Un certain nombre était d’ailleurs issu des rangs de notre école. J’ai longtemps été habité par de la colère ou du dépit après ces échanges, constatant l’insouciance de ces personnes et le décalage important entre leurs promesses et leurs actes.
J’éprouve aujourd’hui davantage de la compassion pour cette génération aux manettes. J’ai rencontré des personnes stressées, déconnectées de la réalité, et des personnes qui sont en train de réaliser, plus ou moins consciemment, qu’elles se sont trompés. Que le modèle de réussite qui était le leur, leur belle carrière, leur salaire vertigineux, leurs nombreux biens matériels et leurs vacances à l’autre bout du globe, sont aujourd’hui mis en accusation par la crise écologique. Alors qu’ils cochent tous les codes de réussite de la société croissanciste, productiviste et consumériste dans laquelle ils ont évolué, ils n’ont d’autre choix que de faire face aujourd’hui à la fin de ce monde.
Arrivant à la fin de mes études, j’aurais très bien pu rejoindre ce monde capitaliste que j’avais eu l’occasion de côtoyer. J’aurais pu sans difficulté accepter un poste qui me donnerait accès à tous les privilèges du polytechnicien : l’argent, le pouvoir, le prestige… J’aurais pu croire à ces promesses de RSE et de croissance verte. J’aurais pu croire que j’allais changer les choses de l’intérieur… avant que ce ne soit le système qui change mon intérieur. Je souhaite bon courage à ceux qui tentent cette voie, mais personnellement, je ne souhaitais pas, je ne souhaite pas faire ce choix et être un pion utile du système.
J’ai donc décidé de vivre une année où je pourrais mettre en acte mes convictions écologiques, de manière concrète. J’ai choisi de ralentir, prendre du recul sur ce monde et sur mon futur, méditer, contempler, réfléchir. Je suis parti m’installer dans une abbaye pour suivre une année de formation théologique. Et je suis très heureux d’avoir pris ce temps d’arrêt.
Je sors de cette année plus convaincu que jamais qu’il va nous falloir innover. Non pas à la manière des greentech ou d’autres technologies que le capitalisme et ses startups qualifient de vertes, mais innover dans notre manière de vivre. Nous allons devoir quitter nos fantasmes sur la technique comme unique et magique source de notre salut face aux périls écologiques. Pour au contraire oser construire un nouveau mode de vie autour de nous. Sortir de cet individualisme, de ce consumérisme, de cette course au toujours plus, pour oser le partage, la sobriété, la lenteur.
Je suis sorti de cette année convaincu que si nous voulons changer les choses, nous ne pouvons pas nous permettre de rester entre nous, diplômés de grandes écoles, avec notre vision de technocrates que nous voulons imposer à la population. Nous vivons dans une bulle. 20% des adultes en France ont un diplôme supérieur à un BAC+2. Quelle est la part des diplômés dans notre entourage ? 95% ? 99% ? Je ne souhaite plus faire partie de cet entre-soi.
Je crois enfin que nous allons devoir sortir de la voie du rationalisme exacerbé dans laquelle nous excellons. Nous ne pourrons pas appréhender correctement les transformations à venir si nous restons au stade des idées, si nous voyons le monde à travers des chiffres et des rapports. Nous devons incarner ces changements et écouter notre cœur. Nous devons suivre ce qu’on a dans les tripes, explorer des chemins spirituels et accueillir nos émotions. Exprimer nos peurs, nos doutes, nos désespoirs. Lutter dans la joie et dans l’espérance.
Pour toutes ces raisons, j’ai décidé que je quitterai ces mégapoles mondialisées où l’individualisme et l’indifférence côtoient pauvreté et polution, pour m’installer dans un territoire à taille humaine. J’ai le projet de vivre dans un collectif engagé auprès des délaissés du système, des personnes exilées, des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées. Nous tenterons d’expérimenter le partage et la sobriété, l’accueil et la relation. En parallèle de notre vie ensemble, on pourrait garder notre engagement dans la société. Nous nous investirons dans des associations, les services publics et l’économie locale. Certains feront de la recherche, d’autres de la politique ou encore de l’agriculture.
Cela demandera quelques sacrifices mais je suis persuadé que cette vie nous rendra plus heureux, et qu’elle nous permettra de nous engager en cohérence, en bâtissant la société de demain. Quand on ose poser un regard lucide sur le péril climatique et la fracture sociale en cours, on ne peut que prendre des risques. Le pire serait de continuer comme si de rien n’était.
Voilà un vent de fraicheur qui balaie les odeurs nauséabondes d'un système pourrissant. Merci et bon courage pour la suite.
Il est déjà trop tard. Les pays pauvres eux aussi voudront vivre leur période faste des "trente glorieuses" et personne ne peut les en blamer. J'ai la vingtaine, je suis en médecine, j'ai choisi cette filière car dans l'effondrement à venir, il va y avoir beaucoup de frères humains à soigner, soulager les douleurs et parfois réussir à les guérir pour un certain temps. Parfois, je me désespère de ce monde devenu complètement fou, dans lequel nous assistons à des guerres barbares et sanguinaires dignes du Moyen-âge...et puis je me ressaisis et me dis qu'avec mes connaissances je ferai de mon mieux pour limiter la casse dans l'hôpital où je travaillerai. Je ferai de mon mieux concrètement au jour le jour jusqu'au jour où tout s'arrêtera pour de bon car notre Terre ne sera plus respirable, vivable. Je n'ai pas de rancoeur contre les baby boomers, ni pour les jeunes qui espèrent changer le monde mais j'accepte avec fatalité la destinée de la fin de l'humain sur notre planète.
J'admire chapeau bas.
A ceux qui critique la naïveté, vous avez vos raisons bien sûr mais il ne faut pas oublier qu'au delà des lois économiques et d'une forme de bon sens indéniable, il y a aussi et avant tout les lois physiques, dont l'une me semblent impossible à affranchir quand bien même cela ne nous fait pas plaisir : une croissance infinie dans un monde fini n'est pas possible.
Et ce n'est pas parce que c'est difficile à accepter que ce n'est pas vrai.
Merci.
quel courage! bravo!
Bravo, un discours courageux et nécessaire !
C'est cool ça tombe bien, je veux dire c'est presque inespéré que la plupart des diplômés des pays occidentaux n'ont plus d'ambitions, je veux dire à l'heure où l'on a plus, ni d'industrie ni de matière première, croire que les pays qui émergent (BRICS), qui après les humiliations subies par les pays occidentaux ne vont pas eux, faire feu de tout bord pour reprendre la main sur l'échiquier mondial, c'est mal connaître la nature humaine.
Cela n'enlève rien à la beauté des engagements de nos jeunes mais soyons lucide, des périodes chaotiques sont avenir chez nous et cela n'aura rien de candide !!!
Bravo ta lucidité te rend libre et heureux !
le mec, il a jamais travaillé de sa vie, mais il va donner des leçons à tous les autres !
Pour faire remonter les stats.
Il faudrait commencer par quoi? Les gens ont tellement de dettes, l’arrêt de la croissance va les mettre à la porte de leurs maisons. Certains vivent déjà dans leurs voitures.
Solidarité, non-discrimination, partage, don. Oui, je sais, ça peut faire rire, mais n'oublions pas qu'il y a des sociétés qui pratiquent tout ça, et ces pratiques qui sont NATURELLES pour l'être humain nous semblent absurdes seulement parce que on prend, depuis quelque siècle, comme modèle de référence une société malade, pourrie...
@@mariannamendicino7031 merci pour le rappel
Dans notre système capitaliste, les profits financiers sont liés aux flux de marchandises. Plus on crame d'énergie et de matériaux dans la fabrication et la distribution de tout et n'importe quoi, plus on gagne!! On voudrait gaspiller énergie, matériaux, et réchauffer le climat que l'on ne s'y prendrait pas autrement. Voir cet excellent petit bouquin : « Et si notre système économique était une gigantesque Arnaque? »