HÉLIOS AZOULAY & VIKTOR ULLMANN - Le 30 mai 1431 (5) - "Sauvée des cendres" - HÉLIOS AZOULAY

LE 30 MAI 1431, Acte II, scène 2
d'
Hélios Azoulay & Viktor Ullmann
(Dans le cachot du château de Rouen. Le soir)
" JEANNE
Le lilas fleurit sur l'arête recouverte de verdure,
Le nuage s'élève, le bourgeon juteux éclate,
Déjà les oiseaux gazouillent et jubilent en chœur,
Les douces collines brillent dans un brouillard de fleurs,
Comme l'âme, dans la douleur tout entière emprisonnée,
Se répand maintenant dans un monde de printemps.
Je suis seul, le monde est mort,
La bannière des Antéchrist flamboie,
Et dieu est loin
Sur son étoile.
Nous sommes Tous Un. Le monde vit.
La bannière d'or de Saint Michel flotte
Et Dieu est proche,
Là dans mon cœur !
Ô Dieu ! Veut -on si atrocement, monstrueusement
M'assassiner dans la fleur de la jeunesse,
Et ces membres qui ne peuvent plus bouger,
Attachés vivants au piquet des sorciers,
Les plonger dans les flammes du feu de l'Enfer ?!
Le plus grand péché que j'aie commis,
Fut de m'être éloignée de la vérité,
D'avoir menti par peur de la torture et de la mort,
De m'être trompée moi-même comme j'ai trompé mon juge !
Je ne peux, c'est vrai, me tenir devant le trône de Dieu
Car mon âme est balayée par le souffle de mes passions.
Et si je me suis totalement appliquée à rester pure,
Souvent le règne de l'amour terrestre me dominait.
Alors mes yeux, ivres de langueur,
Se fixaient sur la silhouette rayonnante, et toute entière engloutie
Dans un tourment de plaisir, j'oubliai ma mission.
Etait-ce félicité divine ? Etait-ce aveuglement diabolique ? "
LE 30 MAI 1431. Un opéra. Deux actes en vers rimés sur Jeanne d’Arc, achevés. Deux pages seulement de musique, inachevée... Deux pages datées du 16 mai 1943.... Deux pages perdues entre les feuilles d'une autre partition de Viktor Ullmann... Ouverture de l'opéra "Don Quichotte danse le Fandango"... Jeanne d’Arc est morte brûlée. Pour qu’il ne reste rien d’elle, on jeta ses cendres dans la Seine. À Auschwitz celles d'Ullmann sont allées rejoindre les flots alors incessants d’un fleuve de poussière. Perdu dans la mer du temps.
... (il y avait là un déséquilibre et son indécence) ... (il fallait rétablir, non pas achever) ... (et puis ce mot dit aussi qui il est) ... (c'est difficile d'écrire sur ses propres gestes) ... (Il est plus simple de s'écrire que d'écrire sur soi) ... (Replonger dans le bassin de nos actes ne fait qu'éclabousser qui nous sommes) ... (et puis une œuvre que l'on vient de terminer est encore à l'état sauvage) ...
HÉLIOS AZOULAY
Direction Musicale
&
l'ENSEMBLE
de
MUSIQUE INCIDENTALE
avec
Marielle Rubens, chant
Hélios Azoulay, suprême Clairon, récitant
Pablo Schatzman, violon - Teona Kharadze, violon
Baptiste Vay, alto - Dimitri Maslennikov, violoncelle
Extrait du CD "Sauvée des cendres"
[ collection MUSIQUES D'OUTRE-MONDE ]
www.heliosazoulay.com