Événement sportif en Castille : les joutes médiévales du Passo Honroso (1434) de Suero de Quiñones

Aujourd’hui dans Chroniques médiévales du sport, les joutes du Passo Honroso, tenues par le caballero Suero de Quiñones en 1434.
Le premier janvier 1434 don Suero de Quiñones annonce devant la cour du roi Juan II de Castille sa volonté de tenir un pas d’armes pendant un mois, en commençant les joutes 15 jours avant la Saint-Jacques, le 25 juillet, pour les finir 15 jours après.
L’année 1434 est jubilaire et le lieu des combats se trouve à proximité du chemin de Saint-Jacques, très emprunté. Un choix qui ne doit rien au hasard : l’événement se gonflera de la présence des pèlerins, spectateurs ou combattants.
Le Libro del Passo Honroso defendido por el excelente caballero Suero de Quiñones, dont l’auteur, Pero Rodríguez de Lena, est écrivain royal à la cour de Castille, est texte du XVe siècle, qui nous est parvenu à travers six manuscrits du XVIe siècle.
Il s’agit de la relation jour après jour de cet événement sportif, de ses préparatifs comme de sa conclusion. Pero Rodríguez de Lena a assisté aux joutes et livre quantité d’informations précises sur le protocole et le règlement des confrontations ainsi que sur les incidents nombreux qui émaillent le déroulement du pas.
Le règlement des combats est composé de 22 chapitres à respecter, ce à quoi veillent les 2 juges arbitres Pero Barba et Gomez Arias de Quiñones. Il semble donc que l’impartialité d’un juge n’est pas remise en cause parce qu’il serait de la même famille que le gardien du pas.
Sous le haut patronage du roi Jean II de Castille et de son puissant connétable Alvaro de Luna, le Passo Honroso se déroule pendant l’été 1434 en Castille, à proximité d’un pont sur l’Órbigo situé à 25 km de Leon et à 15 km d’Astorga.
A l’été 1434, la politique d’Álvaro de Luna, au service du roi Juan II de Castille, semble prendre le dessus sur celle des infants d’Aragon, toujours en manœuvre pour s’imposer en Castille. Les trêves de Majano, effectives depuis juillet 1430, sont prévues pour une durée de cinq ans. Suero de Quiðones, les juges du pas, ainsi qu’une majorité de chevaliers venus combattre, sont dans le camp d’Álvaro de Luna à cette époque.
Pour se libérer de sa prison d’amour, le gardien principal du Passo Honroso, aidé de 9 compagnons désignés comme « Defensores ou Mantenedores », doit rompre 300 lances ou tenir le pas trente jours.
À chaque combat, 3 lances doivent être rompues, considérant que blesser un cheval, renverser l’adversaire ou le toucher au sang compte comme une lance rompue.
Entre le premier combat, le 10 juillet, et le dernier, le 09 août, 68 assaillants dénommés « Conquistadores ou Abentureros » affrontent à tour de rôle les 10 gardiens du Passo Honroso.
20 chevaliers sont des vassaux du roi Alphonse V d’Aragon (10 d’Aragon, 6 de Catalogne et 4 de Valence), 35 à 38 sont d’origine castillane comme les gardiens du pas, 1 Allemand, 1 Italien, 1 Breton et plusieurs Portugais sont de la partie.
Les plus prestigieux assaillants sont Gutierre Quijada, Juan de Merlo et don Juan de Portugal lesquels combattront en France, Bourgogne ou au sein de l’empire germanique. Des jouteurs de championnat européen en quelques sortes.
Le Libro del Passo Honroso permet un décompte précis : 72 confrontations ont eu lieu, les chevaliers se sont croisés 727 fois dans les courses de lance à cheval successives et finalement, 177 lances ont été rompue, assez loin de l’objectif initial fixé par Suero de Quinones de 300 à briser.
Le Passo Honroso est une compétition très éprouvante. En raison du grand nombre de blessés, il se trouve plusieurs jours sans gardien valide à opposer aux assaillants. Combats courtois certes, mais combat physique acharné.
Autre ingrédient parfaitement raconté par Pero Rodriguez de Lena, l’événement sportif connait plusieurs problèmes de tricherie.
Le caballero Juan de Villalobos est pris en train de jouter avec une selle haute et forte, aux arçons renforcés, qui ne correspond pas à la selle de guerre préconisée par le règlement des joutes. Devant cette faute mineure, les juges sont cléments et Lope d’Estuðiga, en généreux adversaire, autorise la fin de ce combat en l’état.
Les juges, dupés, se plaignent auprès de Gutierre Quijada, capitaine de la compagnie du fraudeur...
Les valeurs du sport sont à l’œuvre au Passo Honroso en cet été 1434.
Sources :
- Pero RODRÍGUEZ de LENA, Libro del Passo Honroso defendido por el excelente caballero Suero de Quiñones, copilado de un libro antiguo de mano por Juan de PINEDA, segunda edicion, indices por Fernando Arroyo Ilera, Textos medievales, n°38, Valencia, 1970.
- Crónicas de los reyes de Castilla desde Alfonso el Sabio, hasta los católicos don Fernando y doña Isabel, t. II, ed. Cayetano Rosell, Biblioteca de Autores Españoles, n°68, Madrid, 1953, p. 512.
Iconographie :
Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. Espagnol 36 : Roman du chevalier Zifar. XVe siècle.