Yann Hnautra - Yamakasi - C'est (pas) marqué sur mon front !®

Yann est un Yamakasi, un des membres historique et fondateur du mouvement qui a créé, mis les bases, orienté la philosophie de l'art du déplacement. Une alternative au voyage dans la cité !
Nous sommes en février 2014. Il m'aura fallu plusieurs mois avant de pouvoir le photographier. Nous avons passé de longs et précieux moments à discuter art et politique autour d'un café.
Avec un peu de recul, je crois qu'il voulait vérifier la compatibilité de nos valeurs, apprécier mon intégrité.
Yann est un homme entier. C'est un puriste. J'ai pu lui expliquer mon approche. Il m'a évoqué les projets qu'il avait en tête, sa vision du monde, ses inquiétudes. Il est le feu et la glace en même temps. Nous nous sommes retrouvés sur de nombreux thèmes. Je suis fier de ce portrait réalisé pour mon exposition, car il est l'aboutissement d'un long processus, mais aussi car je perçois dans ses traits ses origines kanak, son côté tribal ! Je vois aussi le fils de Mostafa, l'architecte, un autre de mes portraits ! Je continue à essayer de réunir des gens de tous les âges avec des parcours toujours aussi variés et avec tant de points communs. Une fois le cliché achevé, j’ai l’intime conviction que c'est le début d'une longue collaboration.
Lorsqu’il me téléphone en ce mois d’octobre 2020, il y a bien longtemps que nous n'avons pas échangé. Pendant ce temps, le projet a continué à évoluer, les idées se sont diffusées. Le monde lui aussi s’est transformé. Des crises majeures par là sont passées. Nous sommes en plein dans la M... Pourtant, il garde le cap sur son mode de vie et de pensée, son optimisme. C’est un philosophe et un acrobate urbain. Sa réflexion est claire. Ses questions directes et simples.
Comment puis-je t’aider ? Comment contribuer à ce mouvement qui prend de l’ampleur ?
Selon lui, il y a urgence à agir ! Tous ensemble, tous ensemble… Tu te souviens ou pas ?
Il me transmet alors une vidéo de Lucas, son fils. À travers mon écran je fais sa rencontre. Digitale. Je le trouve très beau. Je ressens la transmission, l’atavisme insulaire.
Il fait de la musique. Comme beaucoup de jeunes de sa génération. Il a quelque chose de singulier. Ça tombe bien. Le crew est en pleine création musicale. Le flow du jeune homme nous percute tous. Il a des choses à raconter. Il les raconte bien, avec autant de force que de tranquillité. Il n’y a plus qu’à enrober tout ça avec de belles mélodies… La transmission de cet héritage « Kanaky », qui représente la Grande Terre et les îles Loyauté.
Puis, Yann me rejoint pour un moment de discussion intime le dernier soir de l’exposition à l’espace Louis Delgrès. Après un long moment à papoter, il se risque à me dire qu’il aimerait également, à son tour, chanter. Il me glisse à l’oreille, timide, un texte qu’il a écrit, puis deux. Puis il me fredonne un de ses airs à lui… Il ferme les yeux. Je l’écoute attentivement. Ce moment est précieux et fragile.
Là non plus, ce n’est pas marqué sur son front qu’il puisse y avoir une telle sensibilité derrière un physique aussi imposant. Les idées continuent à jaillir. Et si nous écrivions un spectacle… Je lui propose de réaliser une vidéo pour lui donner la parole. Comme pour tous ceux qui participent. Tout le monde sera à égalité. Dépassons la première impression de la marque visible sur les fronts. Ensemble, traversons, osons bousculer nos préjugés.
La soirée terminée, je m’empresse de contacter mes amis, mes associés, mes frères : Marc Thiéblemont et Romain Berger, tous deux scénaristes et comédiens. Je leur raconte ce qui vient d’arriver. Une étincelle vient de s’allumer. Ensemble nous allons un spectacle créer.
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