Clément Rosset - Entretien avec Camille Tassel

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  • เผยแพร่เมื่อ 24 ธ.ค. 2024
  • Enregistré le 19 avril 2010
    Clément Rosset : s’avouer le "paradoxe de la joie"
    (interview par Camille Tassel)
    Septembre 1958, dans une station balnéaire. Face à la mer montante, un étudiant de 19 ans est submergé d’un bonheur étonnant. Avant de se retirer, elle lui laisse l’écume de sa Philosophie tragique (PUF, 1960), son premier essai. Voilà comment, en une nuit, je suis devenu philosophe! Dès ce livre de jeunesse, Clément Rosset inaugure le paradoxe de la joie Etre heureux, c’est toujours être heureux malgré tout. Car la joie, nécessairement cruelle de par l’insouciance qu’elle oppose au sort le plus funeste, est l’approbation inconditionnelle de l’existence.
    Sans raison, ni pourquoi elle est alogon. La joie est, par sa définition même, d’essence illogique et irrationnelle. Et c’est là sa force majeure. L’homme joyeux demeure incapable d’expliquer son bonheur, indicible. Faim d’un réel inappétissant, la joie tragique est une folie qui permet paradoxalement - et est seule à le permettre - d’éviter toutes les autres folies. Telles que les passions, qui se toquent d’amour fou. La passion marque l’emprise ordinaire du fantasme du double sur la perception du réel, qui pourtant est idiot, soit, étymologiquement, simple. Tant chez Euripide que chez Racine, la passion a pour effet d’éloigner de soi l’objet de ses vœux, […] de transformer un objet présent en un objet absent. Phèdre ne désire pas. Elle est totalement indifférente à Hyppolite, s’amuse Rosset, qui a le goût du paradoxe.
    Un appoint du bonheur
    Calciné en abstraction, l’objet absent continue pourtant d’enflammer la passion, par négation Ma faim qui d’aucun fruit ne se régale, regrette, amer, Mallarmé. Dans la fine bouche de Rosset, la passion garde le même arrière-goût que la privation du poète. Pourquoi alors cette petite lettre glissée sous le paillasson peut-elle rendre fou L’épreuve de la rupture morcelle le moi, jusqu’à ce que cette expulsion hors de soi engendre une cessation d’être. N’étant plus le moi que je pensais être, je ne suis plus rien.
    Tu m’aimes donc je suis, ferait battre un cogito transi. Mais loin de tout repli narcissique, le bonheur repose bien loin de soi. Qui souvent s’examine n’avance guère dans la connaissance de lui-même. Et moins on se connaît, mieux on se porte, provoque Rosset dans Loin de moi (Minuit, 2001). Demeure alors une joie qui n’a plus d’objet privilégié, tel l’amor fati. Cet appoint du bonheur demeure pourtant le punctum pruriens de la philosophie, le point où toutes les pensées viennent pourrir.
    Car, au fond, l’homme joyeux est toujours parfaitement incapable de dire pourquoi, ni en vue de quoi il vit - et cependant il tient désormais la vie pour indiscutable et éternellement désirable. Si, depuis Hésiode, les dieux ont caché ce qui fait vivre les hommes, c’est que la joie demeure un mystère. Et dans ce secret dissonant de l’homme au réel, Rosset souffle la dernière note à Mozart Au moment du couperet, Mozart sera mon dernier mot car une joie comprise est toujours moins profonde qu’une joie incomprise.

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