Peau de chagrin extrait 4 (Partie : Le Talisman) (EXTRAIT ORIGINAL DE BALZAC DANS LA DESCRIPTION)

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  • เผยแพร่เมื่อ 27 ก.ย. 2022
  • Peau de chagrin extrait 4 (Partie : Le Talisman)
    Le dîner chez Taillefer
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    Les deux amis s’assirent en riant. D’abord et par un regard plus rapide que la parole, chaque convive paya son tribut d’admiration au somptueux coup d’oeil qu’offrait une longue table, blanche comme une couche de neige fraîchement tombée, et sur laquelle s’élevaient symétriquement les couverts couronnés de petits pains blonds. Les cristaux répétaient les couleurs de l’iris dans leurs reflets étoilés, les bougies traçaient des feux croisés à l’infini, les mets placés sous des dômes d’argent aiguisaient l’appétit et la curiosité. Les paroles furent assez rares. Les voisins se regardèrent. Le vin de Madère circula. Puis le premier service apparut dans toute sa gloire; il aurait fait honneur à feu Cambacérès, et Brillat-Savarin l’eût célébré. Les vins de Bordeaux et de Bourgogne, blancs et rouges, furent servis avec une profusion royale.comparable, en tout point, à l’exposition d’une tragédie classique. Le second acte devint quelque peu bavard. Chaque convive avait bu raisonnablement en changeant de crus suivant ses caprices, en sorte qu’au moment où l’on emporta les restes de ce magnifique service, de tempétueuses discussions s’étaient établies; quelques fronts pâles rougissaient, plusieurs nez commençaient à s’empourprer, les visages s’allumaient, les yeux pétillaient. Pendant cette aurore de l’ivresse, le discours ne sortait pas encore des bornes de la civilité; mais les railleries, les bons mots s’échappaient peu à peu de toutes les bouches; puis la calomnie élevait tout doucement sa petite tête de serpent et parlait d’une voix flûtée; çà et là, quelques sournois écoutaient attentivement, espérant garder leur raison. Le second service trouva donc les esprits tout à fait échauffés. Chacun mangea en parlant, parla en mangeant, but sans prendre garde à l’affluence des liquides, tant ils étaient lampants et parfumés, tant l’exemple était contagieux. Taillefer se piqua d’animer ses convives, et fit avancer les terribles vins du Rhône, le chaud Tokay, le vieux Roussillon capiteux. Déchaînés comme les chevaux d’une malle-poste qui part d’un relais, ces hommes fouettés par les piquantes flèches du vin de Champagne impatiemment attendu, mais abondamment versé, laissèrent alors galoper leur esprit dans le vide de ces raisonnements que personne n’écoute, se mirent à raconter ces histoires qui n’ont pas d’auditeur, recommencèrent cent fois ces interpellations qui restent sans réponse. L’orgie seule déploya sa grande voix, sa voix composée de cent clameurs confuses qui grossissent comme les crescendo de Rossini. Puis arrivèrent les toasts insidieux, les forfanteries, les défis. Tous renonçaient à se glorifier de leur capacité intellectuelle pour revendiquer celle des tonneaux, des foudres, des cuves. Il semblait que chacun eût deux voix. Il vint un moment où les maîtres parlèrent tous à la fois, et où les valets sourirent.
    - Comment appelez-vous le jeune homme que je vois là-bas? dit le notaire en montrant Raphaël. J’ai cru l’entendre nommer Valentin.
    - Que chantez-vous avec votre Valentin tout court? s’écria Émile en riant. Raphaël de Valentin, s’il vous plaît! Nous portons un aigle d’or en champ de sable couronné d’argent becqué et onglé de gueules, avec une belle devise: Non cecidit animus! Nous ne sommes pas un enfant trouvé, mais le descendant de l’empereur Valens, souche des Valentinois, fondateur des villes de Valence en Espagne et en France1, héritier légitime de l’empire d’Orient. Si nous laissons trôner Mahmoud2 à Constantinople, c’est par pure bonne volonté, et faute d’argent et de soldats. Émile décrivit en l’air, avec sa fourchette, une couronne au-dessus de la tête de Raphaël. Le notaire se recueillit pendant un moment et se remit bientôt à boire en laissant échapper un geste authentique, par lequel il semblait avouer qu’il lui était impossible de rattacher à sa clientèle les villes de Valence, de Constantinople, Mahmoud, l’empereur Valens et la famille des Valentinois. - La destruction de ces fourmilières nommées Babylone, Tyr, Carthage, ou Venise, toujours écrasées sous les pieds d’un géant qui passe, ne serait-elle pas un avertissement donné à l’homme par une puissance moqueuse? dit un journaliste, Claude Vignon, espèce d’esclave acheté pour faire du Bossuet à dix sous la ligne.

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