La liberté et le pouvoir ne peut exister "naturellement" puisque la dominance et la servitude sont en lien direct avec l'image de soi et l'égo. Les dominés sont sous une contrainte qui leur est invisible, voilà pourquoi la servitude semble si volontaire.
Je trouve que le paradoxe qu'établit La Boétie est assez troublant et amusant, un peu à la manière de ces paradoxes de sophistes dont on ne voit pas tout de suite les erreurs, mais dont on se dit en permanence qu'il doit y en avoir quelque part. Les premiers éclaircissements, eux, me semblent un peu moins décisifs. On peut trouver étrange que La Boétie se dise si vite qu'il y a une servitude volontaire, au lieu de se dire qu'il doit y avoir quelque part une erreur, et que la servitude, si elle existe, n'est pas du tout volontaire. Sinon, une remarque sur le second argument : on pourrait en avoir une lecture plus modeste : ce n'est pas la position originelle, c'est seulement un raisonnement "toute chose égale par ailleurs". Le reste étant identique, qu'est-ce que l'on préfère : subir les décisions arbitraires d'autrui, ou vivre selon des lois que l'on a choisies? La réponse est quasiment dans la question.
3 ปีที่แล้ว
Il me semble que les précisions apportées dans la suite du texte (et présentés dans la 2ème vidéo) peuvent répondre à cette objection. Il faut distinguer l’obéissance du peuple et l’obéissance de la hiérarchie armée. A moins d’agir comme un seul homme (et encore, il y aura de nombreux morts, et on préfère peut-être vivre sous une tyrannie plutôt que de prendre le risque de mourir), la révolte du peuple sera inutile car elle sera réprimée. C’est pourquoi ce sont surtout les gens qui composent la hiérarchie armée qu’il faut convaincre d’arrêter d’obéir. Ils ont apparemment intérêt à participer au système, mais en vérité il serait plus avantageux pour eux aussi qu’un autre système soit instauré.
@ oui, on en vient bien vite à la conclusion qu'il est dans l'intérêt des gens de se soumettre et de rester discrets, et qu'il n'y a plus du tout à expliquer pourquoi les gens se soumettent alors que c'est contraire à leurs intérêts, puisqu'on voit bien que ce n'est pas du tout contraire à leurs intérêts. Certes, ils préfèreraient un monde où tout le monde se soulève et instaure un régime libre, mais comme eux-mêmes n'ont pas les moyens de faire advenir ce monde, il leur faut se satisfaire du monde où ils se cachent du tyran. Je viens de regarder la deuxième vidéo (sur la forme, parfaite), et du coup, les explications un peu psychologisantes de La Boétie tombent à côté de la plaque : il n'y a rien du tout à expliquer, pas de mystère de la soumission, puisque les gens choisissent effectivement la meilleure des options qu'ils sont capables d'atteindre. C'est rationnel et sous-optimal.
3 ปีที่แล้ว
@@sylvaintheulle2289 C’est tout de même un peu plus compliqué que cela, me semble-t-il. 1° Tout d’abord, la structure hiérarchique armée (appelons cela la hiérarchie policière) est très rarement assez puissante pour résister à une désobéissance civile massive (voire la Révolution française, les révolutions arabes…). On ne peut pas faire grand-chose contre tout un peuple ! 2° Et quand bien même la hiérarchie policière serait invincible, alors on peut toujours dire que ce sont les gens qui la composent qui se trouvent dans une forme de servitude volontaire, car ils auraient eux aussi intérêt à ce que soit mis en place un Etat de droits (même si la tyrannie est moins catastrophique pour eux que pour le peuple). De plus, on est en droit de présupposer chez eux une conscience morale, qui implique qu’il préfèrerait idéalement un Etat de droits indépendamment de cette question de leur intérêt. Dans la situation 1°, la plus courante (peut-être la seule réelle) il me semble que l’impact des « ruses du tyran » est indéniable ; pour ce qui est de la religion par exemple, il a fallu que de nombreux penseurs comme Hobbes, Locke et d’autres bataillent pour mettre fin à la doctrine religieuse du pouvoir. Et le poids de la coutume me semble également indéniable. Si tu regardes dans le second traité de Locke, tu verras qu’il doit ferrailler contre des gens qui défendent l’idée suivant laquelle le pouvoir royal en Angleterre serait trop ancien pour qu’on puisse le remettre en cause. Bref, difficile à mon avis de présupposer une entière rationalité du peuple tyrannisé, il faut faire intervenir d’autres explications (affects et traditions, dirait Max Weber).
@en raisonnant de manière holiste et non individualiste, on manque la résolution du problème. C'est sûr que si on se demande pourquoi "le peuple" ne se révolte pas contre "l'armée du tyran", le paradoxe est impossible à résoudre. Par contre, si on se demande pourquoi un individu dans le peuple, ou un soldat dans l'armée du tyran, ne décide pas de se révolter, la réponse est évidente : parce que s'il le faisait, il se ferait arrêter ou tuer. Fin du mystère de la servitude volontaire. Avec des réseaux sociaux, on peut imaginer que les individus se coordonnent avant de passer à l'action, et cela change donc substantiellement la nature du problème. Mais tant que ce n'est pas le cas, on peut raisonner à la marge (les stratégies des autres étant fixées, qu'est-ce que l'individu "marginal" devrait décider de faire?), et cela aboutira toujours à la même chose : la servitude rationnelle.
3 ปีที่แล้ว
@@sylvaintheulle2289 A t’entendre, on croirait qu’il n’y a eu de révolution que depuis que les réseaux sociaux existent ! La réalité est évidemment tout autre : avant, on faisait des conjurations, des réunions secrètes, ainsi que des alliances avec d’autres peuples etc. Si une situation est vraiment pénible, il suffit d’un bon meneur pour entraîner derrière lui tout le monde.
Merci pour votre contenu. C'est une mine d'or pour les peuples africains qui veulent se libérer des dictateurs.
C'est vraiment du très bon contenu. Bravo et merci.
Un bon rappel du programme CPGE 2016/2017!
Bonne réalisation, vidéo agréable à suivre 👍🏻
Magnifique vidéo .merci
Merci !
Excellente vidéo
Merci
La liberté et le pouvoir ne peut exister "naturellement" puisque la dominance et la servitude sont en lien direct avec l'image de soi et l'égo.
Les dominés sont sous une contrainte qui leur est invisible, voilà pourquoi la servitude semble si volontaire.
Je trouve que le paradoxe qu'établit La Boétie est assez troublant et amusant, un peu à la manière de ces paradoxes de sophistes dont on ne voit pas tout de suite les erreurs, mais dont on se dit en permanence qu'il doit y en avoir quelque part.
Les premiers éclaircissements, eux, me semblent un peu moins décisifs. On peut trouver étrange que La Boétie se dise si vite qu'il y a une servitude volontaire, au lieu de se dire qu'il doit y avoir quelque part une erreur, et que la servitude, si elle existe, n'est pas du tout volontaire.
Sinon, une remarque sur le second argument : on pourrait en avoir une lecture plus modeste : ce n'est pas la position originelle, c'est seulement un raisonnement "toute chose égale par ailleurs". Le reste étant identique, qu'est-ce que l'on préfère : subir les décisions arbitraires d'autrui, ou vivre selon des lois que l'on a choisies? La réponse est quasiment dans la question.
Il me semble que les précisions apportées dans la suite du texte (et présentés dans la 2ème vidéo) peuvent répondre à cette objection. Il faut distinguer l’obéissance du peuple et l’obéissance de la hiérarchie armée. A moins d’agir comme un seul homme (et encore, il y aura de nombreux morts, et on préfère peut-être vivre sous une tyrannie plutôt que de prendre le risque de mourir), la révolte du peuple sera inutile car elle sera réprimée. C’est pourquoi ce sont surtout les gens qui composent la hiérarchie armée qu’il faut convaincre d’arrêter d’obéir. Ils ont apparemment intérêt à participer au système, mais en vérité il serait plus avantageux pour eux aussi qu’un autre système soit instauré.
@ oui, on en vient bien vite à la conclusion qu'il est dans l'intérêt des gens de se soumettre et de rester discrets, et qu'il n'y a plus du tout à expliquer pourquoi les gens se soumettent alors que c'est contraire à leurs intérêts, puisqu'on voit bien que ce n'est pas du tout contraire à leurs intérêts. Certes, ils préfèreraient un monde où tout le monde se soulève et instaure un régime libre, mais comme eux-mêmes n'ont pas les moyens de faire advenir ce monde, il leur faut se satisfaire du monde où ils se cachent du tyran.
Je viens de regarder la deuxième vidéo (sur la forme, parfaite), et du coup, les explications un peu psychologisantes de La Boétie tombent à côté de la plaque : il n'y a rien du tout à expliquer, pas de mystère de la soumission, puisque les gens choisissent effectivement la meilleure des options qu'ils sont capables d'atteindre. C'est rationnel et sous-optimal.
@@sylvaintheulle2289 C’est tout de même un peu plus compliqué que cela, me semble-t-il. 1° Tout d’abord, la structure hiérarchique armée (appelons cela la hiérarchie policière) est très rarement assez puissante pour résister à une désobéissance civile massive (voire la Révolution française, les révolutions arabes…). On ne peut pas faire grand-chose contre tout un peuple !
2° Et quand bien même la hiérarchie policière serait invincible, alors on peut toujours dire que ce sont les gens qui la composent qui se trouvent dans une forme de servitude volontaire, car ils auraient eux aussi intérêt à ce que soit mis en place un Etat de droits (même si la tyrannie est moins catastrophique pour eux que pour le peuple). De plus, on est en droit de présupposer chez eux une conscience morale, qui implique qu’il préfèrerait idéalement un Etat de droits indépendamment de cette question de leur intérêt.
Dans la situation 1°, la plus courante (peut-être la seule réelle) il me semble que l’impact des « ruses du tyran » est indéniable ; pour ce qui est de la religion par exemple, il a fallu que de nombreux penseurs comme Hobbes, Locke et d’autres bataillent pour mettre fin à la doctrine religieuse du pouvoir. Et le poids de la coutume me semble également indéniable. Si tu regardes dans le second traité de Locke, tu verras qu’il doit ferrailler contre des gens qui défendent l’idée suivant laquelle le pouvoir royal en Angleterre serait trop ancien pour qu’on puisse le remettre en cause.
Bref, difficile à mon avis de présupposer une entière rationalité du peuple tyrannisé, il faut faire intervenir d’autres explications (affects et traditions, dirait Max Weber).
@en raisonnant de manière holiste et non individualiste, on manque la résolution du problème. C'est sûr que si on se demande pourquoi "le peuple" ne se révolte pas contre "l'armée du tyran", le paradoxe est impossible à résoudre. Par contre, si on se demande pourquoi un individu dans le peuple, ou un soldat dans l'armée du tyran, ne décide pas de se révolter, la réponse est évidente : parce que s'il le faisait, il se ferait arrêter ou tuer. Fin du mystère de la servitude volontaire.
Avec des réseaux sociaux, on peut imaginer que les individus se coordonnent avant de passer à l'action, et cela change donc substantiellement la nature du problème. Mais tant que ce n'est pas le cas, on peut raisonner à la marge (les stratégies des autres étant fixées, qu'est-ce que l'individu "marginal" devrait décider de faire?), et cela aboutira toujours à la même chose : la servitude rationnelle.
@@sylvaintheulle2289 A t’entendre, on croirait qu’il n’y a eu de révolution que depuis que les réseaux sociaux existent !
La réalité est évidemment tout autre : avant, on faisait des conjurations, des réunions secrètes, ainsi que des alliances avec d’autres peuples etc. Si une situation est vraiment pénible, il suffit d’un bon meneur pour entraîner derrière lui tout le monde.