J'essaie de faire abstraction de mon agacement face à la manie des philosophes d'enfoncer longuement les portes ouvertes avant de développer tant bien que mal des concepts souvent dépourvus de toute nuance. Mais I. Stengers a porté une critique de la psychanalyse avec courage et beaucoup de pertinence, alors je l'écoute. Ce n'est pas difficile car elle s'exprime très bien, avec un goût de poésie. Mais sa phrase "Nous vivons dans un monde qui ne nous veut pas du bien", montre une vision un peu limitée du monde où, certes, "les vaches sont bien gardées" mais où, dans nos pays du moins, il n'est plus possible de réduire au silence celles et ceux qui s'y opposent. Et cela, quel que soit le sujet. Ce qui rend les choses plus compliquées bien sûr.
Pour percevoir l'acuité de cette formulation qui vous paraît limitée, il faut peut-être entrer dans la pensée de Whitehead. Pour lui, les pires catastrophes sont le fait d'individus qui ne laissent pas insister toutes les conséquences envisageables des décisions qu'ils prennent au nom d'une raison qui n'a pas fait l'économie d'elle même. On a beau s'opposer en paroles, on n'est plus capable d'agir et de mettre en relation sa vie avec ce à quoi on croît, si bien que, subrepticement, le pire s'installe. Le triple ravage de l'écologie (qui devrait redevenir ce qu'elle était : une économie de la nature) de l'écologie sociale et de l'écologie mentale, conduit à la destruction des relations elles mêmes, or les relations sont pour Whitehead comme des ponts qui anticipent le futur dans les faits présents. Les relations sont comme un maillage d'Être entres les êtres qui y sont plongés. Un monde qui ne nous veut pas du bien coupe les fils de la toile sans que celle-ci ne s'effondre, l'Etre dans son ensemble se dilue, se néantise sans que nous y trouvions à redire, sans nous troubler outre mesure. Avec la disparition des lucioles, la nuit n'est pas plus sombre mais elle est moins habitée et nous avons laissé faire….
Merci madame de nous donner des clés pour nous défendre contre ceux qui nous détruisent.
J'essaie de faire abstraction de mon agacement face à la manie des philosophes d'enfoncer longuement les portes ouvertes avant de développer tant bien que mal des concepts souvent dépourvus de toute nuance. Mais I. Stengers a porté une critique de la psychanalyse avec courage et beaucoup de pertinence, alors je l'écoute. Ce n'est pas difficile car elle s'exprime très bien, avec un goût de poésie.
Mais sa phrase "Nous vivons dans un monde qui ne nous veut pas du bien", montre une vision un peu limitée du monde où, certes, "les vaches sont bien gardées" mais où, dans nos pays du moins, il n'est plus possible de réduire au silence celles et ceux qui s'y opposent. Et cela, quel que soit le sujet. Ce qui rend les choses plus compliquées bien sûr.
Pour percevoir l'acuité de cette formulation qui vous paraît limitée, il faut peut-être entrer dans la pensée de Whitehead. Pour lui, les pires catastrophes sont le fait d'individus qui ne laissent pas insister toutes les conséquences envisageables des décisions qu'ils prennent au nom d'une raison qui n'a pas fait l'économie d'elle même. On a beau s'opposer en paroles, on n'est plus capable d'agir et de mettre en relation sa vie avec ce à quoi on croît, si bien que, subrepticement, le pire s'installe. Le triple ravage de l'écologie (qui devrait redevenir ce qu'elle était : une économie de la nature) de l'écologie sociale et de l'écologie mentale, conduit à la destruction des relations elles mêmes, or les relations sont pour Whitehead comme des ponts qui anticipent le futur dans les faits présents. Les relations sont comme un maillage d'Être entres les êtres qui y sont plongés. Un monde qui ne nous veut pas du bien coupe les fils de la toile sans que celle-ci ne s'effondre, l'Etre dans son ensemble se dilue, se néantise sans que nous y trouvions à redire, sans nous troubler outre mesure. Avec la disparition des lucioles, la nuit n'est pas plus sombre mais elle est moins habitée et nous avons laissé faire….